Ni fiction, ni fatalité.
Une révolution est en marche, révolution poussée par la Confédération, malgré deux votations contre par le peuple Suisse, avec la mise en place de l’eID, et accélérée au niveau occidental, notamment par la Commission Européenne qui a récemment fait un certain nombre d’annonces aux fortes incidences.
Cette révolution, sous couvert de facilité et de sécurité, adoptée sans débat en 1e lecture au niveau Européen, pose cependant de nombreuses questions sur les impacts sur nos vies, sur la numérisation de toutes nos données, qui seront interconnectées jusqu’à créer notre double digital intégral incluant nos données physiques et tous les aspects de notre vie, révolution poussée par des intérêts politiques et économiques, supportée par un édifice invisible, une architecture technique dirigée et mystérieusement configurée par des groupes d’experts et par des consortiums industriels et les GAFAM.
Sous couvert d’annonce de progrès et d’innovation, sommes-nous prêts à entrer dans cette nouvelle ère numérique, à vivre dans un monde où les règles du jeu sont décidées par ces entités dont la gouvernance et les motivations sont principalement guidées par le pouvoir et le profit économique, et où une simple incartade par rapport aux règles édictées peut nous désactiver de la société ?
Cela est déjà en route et n’est désormais plus de la fiction. Mais cela n’est pas non plus une fatalité, si nous retrouvons un esprit critique pour utiliser ces outils là où cela fait sens, gardons notre souveraineté ou mettons en place les outils nécessaires pour l’assurer, et que le numérique reste au service de l’humain, et non l’humain asservi par le numérique et ses détenteurs.
Toujours plus d’emprise du numérique sur notre vie, sous couvert de facilité et de sécurité
Force est de constater la très grande emprise du digital sur notre vie quotidienne, mais peu se rendent compte ou veulent se rendre compte des implications que cela a déjà et peut avoir à terme sur notre position d’humain au sein d’un monde digital pour le digital, dont les dérives potentielles ont largement déjà été illustrées à de nombreuses reprises par exemple à travers la littérature et le cinéma ; un monde à la gouvernance obscure qui évolue plus vite que la technologie elle-même et qui ouvre la possibilité de contrôle total par quelques individus qui possèdent à la fois le pouvoir politique et les structures qui dominent ce monde numérique, telles ceux qui ont réalisé les supers fortunes réalisées à travers le numérique, les GAFAM ou des grands consortiums privés.
Nous sommes déjà sous l’emprise quotidienne des règles édictées par des structures numériques, souvent sous prétexte généralement évoqué de sécurité. Avez-vous essayé d’éviter d’activer sur certaines plateformes, où pour vous cela ne serait pas forcément nécessaire, l’identifiant à 2 facteurs ? Même si vous ne le souhaitez pas, vous y êtes forcés, sous prétexte de votre sécurité, et ainsi êtes obligés à systématiquement faire le lien entre votre ordinateur, votre email, et votre numéro de téléphone (ce qui entre parenthèses rend le processus plus lent qu’avant). Se connecter aujourd’hui sans smartphone devient un réel parcours du combattant, voire parfois quasiment impossible.
On vous garantit que tout cela est sécurisé, y croyez-vous vraiment ? Nombreux sont les cas qui démontrent que tout cela ne l’est pas. Un exemple récent : une de mes connaissances, experte dans le domaine de la finance, s’est récemment fait voler son ‘digital wallet’ soi-disant hautement sécurisé, et tout son contenu a disparu du jour au lendemain ! Heureusement, cette personne n’avait que peu de valeurs financières digitales dans son wallet. Si toute sa fortune avait été sous format numérique, tout aurait disparu.
Et cela n’est pas fini !
Tous les aspects de votre vie seront liés, incluant vos données physiques, financières, de santé, et plus encore !
De récentes annonces montrent que cette révolution est en marche et s’accélère, poussée par des décisions politiques, généralement sans débat et sans consultation des peuples, à l’instar des dernières annonces Européennes ou d’organisations mondiales, et même contre les résultats de votation d’un peuple souverain (à l’exemple de la Suisse), lors même que tout cela pose de nombreuses questions sur les impacts sur nos vies et sur notre souveraineté dans la société.
- Le Titanic Européen, qui ne fait que de sombrer un peu plus à travers les scandales de corruption1 de ses dirigeants, a annoncé à quelques jours d’intervalle :
- l’Euro numérique qui devrait arriver courant 2027 (décidé le 28.06.2023)
- le portefeuille Européen numérique courant 2025 (annoncé le 10.07.2023 à Paris)
- la réflexion d’un ID unique pour chaque Européen qui couvrira tous les aspects de la vie et sera lié au précédent portefeuille et inclura les voyages, la santé, les banques, l’éducation, la possibilité de s’installer dans un pays Européen et mentionnant « qui consiste à ce que toute personne vivant dans l’UE ait accès à une identification électronique sécurisée et conviviale d’ici à 2030 ». Georges Orwell et les novlangues ne sont pas loin
- La France, pays dont les événements récents montrent l’instabilité politique a annoncé : Un projet de fusion de la Carte Vitale avec la Carte d’identité (annoncé le 29.05.2023) là encore sous couvert de sécurité et aussi de lutte contre la fraude
« Ainsi le portefeuille Européen numérique sera une clé pour ouvrir toutes les portes de ton quotidien, une sorte de couteau Suisse numérique optimisé en application mobile qui contient ton identité officielle, ton permis de conduire numérique, ton e-carte Vitale, tes données fiscale, tes données financières, professionnelles, et même médicales » et qui pourrait inclure le wallet numérique lié à l’Euro numérique.
- Par l’OMS, percluse de conflits d’intérêts car dirigée & financée par ceux qui ont des intérêts financiers directs dans ce dont elle fait la promotion, voire instaure l’obligation : un pass mondial dit sanitaire en association avec l’UE (annoncé en juin 2023), qui mentionne un aspect de certification numérique de la santé.
- Par certains pays faisant des tests, tel l’Italie, et d’autres qui s’y intéressent, de systèmes analogues au crédit social chinois. En Chine, l’identité numérique permet déjà de trier les bons et les mauvais citoyens. En Italie, en mars dernier, une expérimentation similaire a été réalisée avec un permis du citoyen vertueux, en partant d’un score de 50 points qui augmente ou diminue en fonction des comportements.
La question qui se pose alors, est de savoir qui décide ce qui est ou pas un bon comportement ? Et que se passe-t-il si votre score descend à 0 ? Vous disparaissez de la société ou devez aller dans un centre de réinsertion à la société et de bon comportement qui remonte alors votre score ?
Pris indépendamment les uns des autres, ces systèmes pourraient faciliter certains aspects de notre vie. Mais l’interopérabilité et l’interconnexion de ces systèmes est aussi annoncée.
Soi-disant, les données seraient uniquement disponibles sur base du consentement. Cependant, il ne faut pas douter que les conditions du consentement peuvent être (et sont déjà) unilatéralement modifiées du jour au lendemain, si des garde-fous n’empêchent pas les décideurs de les adapter sans consultation des peuples.
Pris indépendamment les uns des autres, ces systèmes s’ils avaient des gouvernances neutres et sans conflits d’intérêts, pourraient se justifier. Cependant, force est de constater que ces structures qui les décident, desservent désormais d’autres intérêts que les nôtres et ceux de notre humanité, des intérêts avant tout de pouvoir et de gainséconomiques.
Vous n’y croyez pas ? Et pourtant.
Un passage en force des organisations politiques qui devraient assurer votre bien être, et ce malgré vous.
Le peuple Suisse a voté à 2 reprises contre l’eID, et pourtant le Conseil Fédéral (et les Chambres) avance dans sa mise en application sous le prétexte qu’ils ont bien pris en compte les objections du peuple.
Une autre illustration est l’annonce récente sur le dossier électronique du patient : « Moins de 20’000 personnes ont pour l’heure ouvert un dossier électronique du patient. Pour stimuler l’adoption du système, le Conseil fédéral veut obliger les médecins à l’employer, et ouvrir automatiquement un dossier pour l’ensemble de la population. »cet article de l’ICT journal est intitulé : « Pour accélérer l’adoption du dossier patient électronique, la Confédération veut utiliser la contrainte et le nudge. » Ainsi, par défaut, la Confédération souhaite vous obliger à ouvrir un tel dossier et si vous ne le souhaitez pas, vous devez le signaler (la procédure pour signaler n’est pour autant pas indiquée), plutôt que d’obtenir d’abord notre consentement.
Et pourtant, tout le monde peut se souvenir des fiascos liés à la gestion calamiteuse des données médicales ou des structures qui les gèrent, telles pour Mesvaccins.ch « Les utilisateurs de Mesvaccins.ch ne reverront pas leurs données » et « Fiasco de Mesvaccins.ch: le Conseil fédéral critique l’OFSP mais pas sur le point attendu ».
Au niveau Européen, le portefeuille numérique a été adopté en 1e lecture sans débat par le parlement Européen. Pour une décision ayant tant d’impact sur nos vies et une « innovation qui promet de changer notre façon d’interagir avec le monde »
est-ce normal pour vous qu’il n’y ait pas de débat sur les implications et les structures qui vont œuvrer sur ce portefeuille numérique et confiés aux mains des consortiums industriels gigantesques ?
De là, peut-on croire que monde sera réellement plus facile à vivre ?
Cela n’est déjà plus le cas et la digitalisation semble avoir déjà passé le pic d’augmentation de sa valeur, et nous mener vers un monde plus compliqué
La promesse d’un monde aux activités facilitées a toujours été associé à ces projets. Nous pouvons cependant constater que dans ce monde où le numérique est déjà omniprésent :
- Nous avons de moins en moins de temps disponible tel qu’une connaissance à qui je parlais de la rédaction de cet article m’en a très justement fait part
- La vie s’est tellement accélérée que beaucoup se disent surmenés, débordés, voire font des burn-outs. Les conditions de management et les procédures peuvent être incriminées, mais le lien avec le numérique directement identifié avec un peu de bon sens
- La digitalisation déporte les activités de service sur les clients, en augmentant pourtant en parallèle les tarifs des prestations. Là encore des expérience et échanges récents vous tous dans le même sens : les tâches qui étaient auparavant assurées nous sont déléguées, et nous devons tout faire désormais (imprimer, scanner), payer si nous ne le faisons pas et souhaitons que l’organisme en charge le fasse pour nous, en même temps que les frais des prestations augmentent et de plus en plus vite (tels à la Poste) ; et nous sommes paradoxalement plus surchargés de tâches administratives, à l’instar par exemple des médecins qui disent n’avoir presque plus le temps de passer du temps avec les patients en lien avec la charge administrative, ou les agriculteurs toujours plus soumis à des procédures complexes et des contrôles qu’ils doivent eux-mêmes payer
Et vous pensez que cela va s’améliorer ?
Des mises en garde contre ce monde à venir
Des vidéos emblématiques, d’une grande qualité et très intéressantes à regarder pour se questionner, ainsi que de nombreux films, nous mettent en garde contre ce monde à venir si nous n’y prêtons pas plus garde. Voici une sélection de 3, qui n’amènent pas pour autant vers la sinistrose, et proposent des voies d’optimisme :
- L’épisode mythique de Black Mirror ‘Nosedive’ « Une femme qui cherche désespérément à améliorer son score sur les réseaux sociaux touche le gros lot lorsqu’elle est invitée à un mariage prestigieux, mais tout ne va pas se passer comme prévu. » ou dans un monde régit par les réseaux sociaux et les notations; comment toute une vie peut rapidement sombrer
- Une vidéo à regarder absolument ‘Omeleto’: « A man lives in a society where citizens police each other with their mobile phones. | Utopia » et assez proche du système de credit social et d’un monde entièrement digitalement interconnecté
- Le film remarquable ‘Bienvenue à Gattaca’ qui va même au-delà en intégrant la destinée modélisée et programmée (sur base de modèles digitaux) de l’humain à travers une analyse ADN avant la naissance (le nom du film étant formé des 4 lettres correspondant aux 4 bases nucléiques de l’ADN)
Vous croyez vraiment que cela n’est que de la fiction ? Détrompez-vous c’est déjà en cours.
Être désactivé du jour au lendemain, déjà une réalité
Aujourd’hui les personnes qui ne sont pas dans ce monde technologique peuvent déjà ressentir une forme d’exclusion en devant, soit payer pour des services lors même que les autres ne paient pas (comme par exemple aux guichets de La Poste où si vous venez leur demander une activité, ils vous la font payer ou vous montrent le QR code à scanner près de leur guichet pour faire l’opération vous- même, et ce, même si leur application a des soucis et fonctionne mal – expérience récente), ou par exemple il leur est beaucoup plus difficile d’avoir accès à certains services.
Pendant les mesures COVID, une étape a été franchie où ne pas avoir un sésame qui s’est matérialisé principalement sous format numérique (en tous cas pour le scannage, mais aussi à travers une application) a impliqué à une partie de la population d’être exclue de la vie sociale, voire aient des plus de difficulté de travailler que les autres, lors même que ce sésame n’était en aucun cas une preuve d’absence de transmission (allocution de Virginie Masserey d’août 2021, confirmée par la suite sur le terrain). Vous pensez que cela n’arrive qu’aux autres qui sont de mauvais citoyens ou ont des activités non essentiellesselon les dires de nos autorités ? Détrompez-vous.
Un exemple récent illustre tout à fait cela, où sans raison logique, la banque où je suis cliente depuis des années a désactivé les accès à mes comptes à 2 reprises et pendant plusieurs semaines. Beaucoup d’échanges et une intervention humaine a permis finalement de régler le problème, mais sans cette intervention humaine qui a permis de corriger l’erreur de procédure informatique, l’accès aux comptes serait toujours bloqué. L’esprit de Brazil n’était pas loin. Le responsable a partagé 2 éléments très importants en lien avec le présent sujet :
- Les banques font ce qu’elles veulent
- Il s’agissait d’une procédure informatique liée au back-office qu’il ne savait expliquer, donc une décision informatique non explicable par un humain
Sur ce sujet aussi, l’exemple du crédit social à la Chinoise cité récemment, ainsi que le test réalisé par l’Italie démontrent que la notion de « mauvais citoyen » peut être tout à fait arbitraire si elle est décidée pour des raisons politique et économique.
En tant que peuple souverain, vous pensez que nous sommes protégés de cela ?
Perte de notre souveraineté et délégation hors de nos juridictions de nos identités numériques
Nous pourrions penser que notre souveraineté est assurée, du fait du système de votation en vigueur dans notre pays.Mais ce qui est entrain d’être décidé concernant l’eID le montre, ainsi que sur d’autres sujets : le choix du peuple est désormais souvent réinterprété et plus directement appliqué.
Plus grave est le mandat donné par la Confédération pour la gestion de son cloud à 4 géants américains et 1 chinois : Amazon, IBM, Microsoft, Oracle et Alibaba ! Lors même que des prestataires locaux ont aussi répondu à cet appel d’offre et sont plébiscités par leurs clients pour la qualité de leurs services et de leurs produits, et pouvant assurer une gouvernance correspondant à la législation en vigueur dans notre pays, ainsi qu’un stockage avec une qualité Suisse pourtant revendiquée sur d’autres sujets.
« En pratique, moyennant d’importantes économies pense-t-on, la Confédération va immanquablement :
- renforcer l’hégémonie des GAFAM
- accélérer l’arrivée des BATX sur le marché
- retarder l’émergence de notre souveraineté numérique
- freiner le développement d’une capacité industrielle stratégique
- fragiliser la perception et donc le positionnement de la Suisse en tant que coffre-fort des données de l’Europe »
Les GAFAM sont reconnus pour avoir un modèle économique basé sur l’exploitation des données personnelles, et sont aussi régulièrement visés par des plaintes, tels Meta récemment qui a engagé 90 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites dans une énième action de groupe pour non-respect de la vie privée des utilisateurs.
Au niveau Européen, Thomas Lohninger qui s’implique pour défendre les droits digitaux a écrit un tweet en janvier 2023 qui dit que le « cadre de l’identité numérique de l’Union Européenne est un cadeau pour Google et pour Facebook et les citoyens de l’UE risquent d’être traqués avec une précision et une ampleur sans précédent. 22 ONG mettent en garde aujourd’hui contre la trajectoire actuelle des négociations.».
Le cadre posé semble noir, mais tout cela est-il une fatalité ?
Rester les gardiens de notre souveraineté pour que le numérique reste au service de l’humain (et non l’inverse)
Avec des vies si chargées – tout le monde le dit – nous n’avons plus tant de temps pour prendre du recul sur les implications de cette digitalisation galopante et ses implications à terme sur nos vies et pourtant, les implications sont nombreuses.
Beaucoup de lanceurs d’alertes, d’experts et de journalistes d’investigation, relayés par les médias indépendants, incitent à s’y intéresser et garantir les conditions du respect de notre souveraineté pour éviter que le numérique prenne le pas sur l’humain. Le vote du 18 juin 2023 à Genève « Pour une protection forte de l’individu dans l’espace numérique » même si elle peut sembler peu contraignante, a le mérite d’ouvrir la voie à d’autres votations de ce type et aussi à étendre de type de réflexions à d’autres Cantons, qui pourraient alors avoir un impact sur les choix de la Confédération.
Il est important de ne pas oublier non plus que toute cette digitalisation et ce numérique sont extrêmement coûteux en ressources : énergétiques extraites dans des conditions désastreuses dans des mines généralement à l’étranger, telles les terres rares essentielles à la vie comme l’eau à l’exemple d’une récente polémique « le développement par Meta d’un grand centre de données dans la région de Tolède (Castilla-la-Mancha), suscite l’inquiétude en raison de sa consommation estimée à plus de 600 millions de litres d’eau potable dans une région où l’eau est rare ».
et financières avec des coûts qui explosent pour la mise en place de tous ces systèmes et leur exploitation
Il est ainsi possible d’imaginer que les limites naturelles et aussi financières participeront aussi à trouver un meilleur équilibre, à prendre plus de distance et de regard critique sur là où la digitalisation fait réellement sens, digitalisation si associée actuellement à la notion de progrès qu’elle n’est plus réellement remise en question.
Dans tous les cas, nous devons garder esprit critique et bon sens vis-à-vis de ces outils – qui ne doivent rester que des outils – et assurer leur gouvernance pour qu’ils reste au service des humains et de la société.
Article de Caroline K. pour l’Antipresse, L’Empowerment foundation & HelvEthica
1 Il suffit de chercher par exemple : qatargate, SMS pfizer, Orgenesis. Il existe des dizaines d’articles à ces sujets (sources disponibles sur demande. à l’autrice)